Censure à Lévis-Saint-Nom (78)

Nous avons demandé à Pascal Tual, artiste participant aux Irréels depuis la création de ce salon, un court texte au sujet de la censure que son installation a subie en octobre 2015.

 

Dans le cadre d’une exposition artistique, mon travail a été censuré par le propriétaire du lieu où j’exposais (abbaye Notre-Dame de la Roche à Lévis-Saint-Nom dans les Yvelines). Malgré le fait que les responsables du site avaient été dès le début prévenus et avaient accepté mon installation, j’ai dû plier bagages manu militari…

Je partage avec vous deux textes qui illustrent bien la question posée. Il s’agit d’un passage de Sigmund Freud et d’un texte de Laura Zimmermann, artiste peintre.

 

"Celui qui est parvenu à accepter sans critique toutes les absurdités que lui offrent toutes les doctrines religieuses, et même à fermer les yeux sur leurs mutuelles contradictions, n’est pas quelqu’un dont la faiblesse de pensée doive nous surprendre outre mesure. Or nous n'avons pas d'autre moyen pour dominer notre pulsionnalité que notre intelligence. Comment peut-on attendre de personnes qui se trouvent sous la domination d’interdits de pensée qu’ils accèdent à l’idéal psychologique, au primat de l'intelligence ?"

"L’avenir d’une illusion", Sigmund Freud, écrit en 1927, Edité aux PUF, 1995, page 48-49.

 

L'artiste crucifié.

Ce n’est certainement pas en une phrase que l’on pourra définir le rôle de l’Art, mais on s’accordera sûrement à dire que l’un de ses buts est de faire naître des réactions par sa seule présence. Seulement parfois, cela va trop loin et c’est ce qui s’est une nouvelle fois passé dans une abbaye pourtant transformée en lieu de culte-ure.

Pascal Tual, l’un des artistes qui participait à cette exposition collective s’est fait expulser car le travail qu’il y présentait gênait un certain public. Son crime? Interroger la notion de genre en rhabillant le Christ.

La censure des artistes n’est pas nouvelle mais elle est particulièrement d’actualité en ces temps où certaines personnes s’octroient le droit de décider de ce que l’Art peut montrer ou non. Rien qu’en l’espace d’un an, on a pu assister au vandalisme de l'oeuvre d’Anish Kapoor, à la destruction de celle de Paul McCarthy ainsi qu’à l’agression de l’artiste, à la censure de l’installation de Zoulikha Bouabdellah et à l’assassinat des dessinateurs de Charlie Hebdo pour ne citer que les cas les plus médiatisés.

La situation est telle que Fleur Pellerin, ministre de la culture, à présenté en juillet dernier un projet de loi relatif à la “liberté de création, l’architecture et le patrimoine”, afin de protéger le droit de diffusion des oeuvres. Il est impératif qu’une loi claire vienne guider les élus et la justice afin d’empêcher des censeurs privés d’imposer leur vision du bien et du mal ainsi que leur interprétation toute personnelle des oeuvres. L’Art fait appel à la sensibilité, aux connaissances et à l’histoire de chacun afin de nous questionner sur nous-mêmes et sur notre société. Nous sommes en droit de refuser ce questionnement mais nous ne pouvons l’interdire à tous.

Censurer des oeuvres d’art revient à promouvoir la pensée unique, l’obscurantisme, l’immobilisme et l’intolérance. Et c’est précisément ce que cherchaient à faire ceux qui s’en sont pris au travail de Pascal Tual. Car oui, empêcher le public de s’interroger sur la question du genre, c’est refuser de remettre en cause les constructions et les inégalités sociales, en plus de nier l'existence de tous ceux qui ne se retrouvent pas dans le système binaire féminin/masculin.

Heureusement pour tous ceux qui croient encore en la possibilité de changer le monde, l’artiste créateur crucifié au nom d’une idéologie finit toujours par ressusciter.

(http://laura-zimmermann.com/blog/2015/10/17/lartiste-crucifi

 

Pascal Tual


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